Portraits

Du courage !

Le dictionnaire Larousse donne une définition approximative du courage. Il le définit comme une « fermeté, force de caractère qui permet d’affronter le danger, la souffrance, les revers, les circonstances difficiles ». On dit parfois que définir une qualité ou une caractéristique est plus évidente par l’exemple. J’ai envie de prendre au mot cette maxime !

Nolhan a 9 ans. Petit bonhomme heureux, il est né avec un « Trouble du Spectre Autistique » (TSA). Nolhan est drôle, attachant, sensible et tellement vivant ! Il a la chance d’aller encore à l’école. J’emploie volontairement le mot « chance » car en France, en 2017, il est très compliqué pour les autistes avec déficience intellectuelle d’être scolarisés !

Eh oui… C’est drôle comme ce qui peut être une corvée pour certains, je pense notamment à ma fille de 8 ans, peut être un privilège pour d’autres ! Les raisons sont extrêmement simples… Au nombre de 16 ! 16, c’est le nombre de places disponibles en milieu scolaire dans la Vienne pour ces enfants. Du courage… Finalement, lorsque qu’ils ont la possibilité de s’y inscrire, c’est presque un luxe ! Et pourtant, le département est mieux pourvu que les autres en la matière. Quelle chance ! La plupart de ces enfants grandissent donc en Institut médico-éducatif (IME) ou bien, les places étant là aussi comptées, chez eux ! Encore du courage… La France qui se targue d’être précurseur sur de nombreux sujets, a en réalité des décennies de retard en la matière. « Vaincre l’Autisme », association de défense des droits des enfants autistes, a lancé, il y a quelques années, une procédure afin, je cite, « d’aller rechercher devant la juridiction administrative la responsabilité de l’Etat à l’origine de ces situations d’inégalités intolérables ». La France est d’ailleurs régulièrement épinglée par l’ONU à ce sujet. Du courage, du courage, encore et toujours du courage !

L’autisme est plus qu’une différence. C’est un parcours du combattant ! Il laisse bien souvent les familles démunies lorsque le diagnostic est posé. Du courage… Il leur reste alors à trouver des interlocuteurs et des outils pour aider eux-mêmes leurs enfants à grandir et apprendre. À cette situation se mêle souvent une précarité financière difficile à assumer. Les démarches du quotidien deviennent épreuves et tout ce qui est contraignant pour un parent lambda l’est encore plus sévèrement, dès lors que l’on prend en compte la différence d’un enfant autiste. Encore du courage…

Revenons-en à Nolhan. Depuis un an, il est en sursis à l’école. Il a été décidé qu’il n’avait désormais plus sa place à l’école mais en IME. Ah oui, c’est vrai… 16 places ! Garder du courage… La solution préconisée pour lui est refusée par sa maman. L’IME, s’il est adapté à certains, ne l’est pas pour d’autres, comme Nolhan. Certes, depuis 2 ans, des efforts ont été réalisés à travers la création de quelques sections spécialisées. L’apprentissage scolaire est désormais délivré, mais à raison de quelques heures par semaine seulement, et mis de côté au profit de ceux liés à la vie quotidienne. Pas de quoi donc, former un adulte autonome en capacité à travailler ! Du courage… Le manque de moyens financiers ne permet d’assurer un accueil de qualité à tous les enfants. Les IME étant eux-aussi saturés, aucune place n’est accessible pour Nolhan à l’heure actuelle. C’est ce qui lui a permis d’être maintenu à l’école depuis 2 ans. Et pour le long terme ? On repassera, merci !

Quid du droit à l’éducation dans notre pays ? Quelles solutions durables offrons-nous à nos enfants ? Eh bien, c’est simple ! Pour les parents qui ne souhaitent pas laisser leur enfant en IME et qui refusent le jeu des chaises musicales, une seule solution, le départ pour l’étranger. L’Europe, l’ouverture des frontières et du marché du travail a du bon. Il facilite ces projets. Du courage, du courage, encore et toujours du courage !

S’il est un synonyme de courage, il est aussi un prénom, celui d’Élodie. Quand le diagnostic de l’autisme de son fils a été confirmé, elle a pris des cours pour connaître et comprendre le handicap et le monde dans lequel Nolhan vivait. Du courage ! Elle a lu des dizaines de livres, construit des outils pédagogiques destinés à l’apprentissage et à l’épanouissement de son enfant. Elle a aussi réduit son temps de travail pour lui faire l’école à la maison. Tellement de courage ! Nolhan s’est alors transformé. Il s’est ouvert, il a pris confiance en lui. Mais comme tous ces sacrifices personnels et professionnels ne suffisaient pas, elle quitte aujourd’hui sa famille, ses amis, son CDI et son pays pour s’installer en Belgique où véritablement pris en charge. Du courage, du courage, encore et toujours du courage ! L’état belge offre à chacun, quel que soit le handicap, la possibilité de s’orienter vers un enseignement spécialisé. Il n’existe aucun équivalent à ce système particulièrement avancé. En quelques jours, Élodie a pu choisir, parmi plusieurs écoles, celle qui correspondrait le mieux au profil de son fils. Avec son départ, elle quitte ses repères, change de travail, de vie, de monde aussi. Mais avant tout, elle lui offre une chance de grandir normalement, d’éveiller sa curiosité, d’ouvrir son esprit et de lui donner confiance en lui ! Sa chance à lui ? L’avoir eue elle, Élodie, comme Maman !

Mêlé à un sentiment profond d’inutilité, j’ai une admiration profonde et sincère pour cette maman courage que la vie m’a permis de rencontrer. Seize années de vie partagée… Une immense amitié… Et aujourd’hui, tout quitter ! Un exemple, en toute humilité…

Si un jour je venais à douter, à baisser les bras ; si, comme cela m’est arrivé récemment, j’envisageais de faire la grève du courage ; je tâcherais de revenir à ces quelques lignes. Elles me rappelleront que parfois, les maux de nos âmes ne sont pas à la hauteur de la réalité de nos tourments, que d’autres traversent aussi des déserts et que la saveur d’un quotidien qui nous apparaît bien fade aurait, pour certains, un tout autre parfum…

Courage !

Photo : pexels.com

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