Marine Comet est une orthophoniste âgée de 35 ans qui exerce depuis 2012. Elle reçoit ses patients dans son Cabinet situé au 25 rue Arthur Rimbaud à Montlouis-sur-Loire, en Indre-et-Loire. Elle a eu la gentillesse de nous livrer sa vision du métier d’orthophoniste.
Quel niveau d’études faut-il pour être orthophoniste ?
Pour être orthophoniste, il faut être titulaire du certificat de capacité d’orthophoniste (CCO) qui se prépare en 5 ans au cours d’un Master, dans un centre de formation rattaché à une UFR de médecine.
L’inscription se fait via Parcoursup avec présentation de dossier, entretien oral et sélection dans une école. Cette phase est la plus compliquée car il y a environ 1000 places par an, pour toute la France. Les études se déroulent comme à la faculté et ne nécessitent pas d’internat comme en médecine. De nombreux stages sont à valider tout au long du cursus dans divers domaines afin de mettre en application les données théoriques apprises en cours.
Une fois le Master obtenu, l’orthophoniste a le choix entre le libéral, le salariat ou un mélange des deux, appelé exercice mixte.
Quel est le rôle d’un orthophoniste ?
L’orthophoniste traite tous les troubles de la parole, de la voix, du langage oral ou écrit, de la communication et de l’oralité. Il intervient pour les troubles « dys » comme la dyslexie, la dysorthographie appelée désormais Troubles Spécifiques du Langage Écrit (TSLE), les retards d’acquisition ou les bégaiements. Son champ de compétences s’étend également à celui du handicap ou des pathologies neurologiques.
La première séance est dédiée au bilan orthophonique : l’orthophoniste pose tout d’abord des questions au patient et à sa famille (anamnèse) pour comprendre le contexte du trouble. Il étudie également les documents médicaux (compte rendu, bilan) afin de bien cerner les difficultés et les attentes de son patient.
Ensuite, une série d’épreuves sera proposée pour évaluer le patient. Un score est alors obtenu et sert à établir le diagnostic. Pour un enfant, le score est comparé à son âge et à son niveau scolaire. Les scores des tests sont étalonnés, normés et standardisés.
Cela permet de mettre en place un projet de soin grâce à des séances de rééducation pour lesquelles l’orthophoniste utilise du matériel, des activités ludiques et des exercices adaptés à chaque patient.
Au début des séances suivantes, l’orthophoniste fait un retour sur la séance précédente et sur le temps qui s’est écoulé. Cela lui permet de constater les évolutions ou les difficultés apparues depuis, et de faire le lien avec le quotidien et les exercices de suivis qui doivent être faits à la maison.
Enfin, il assure le suivi du patient une fois les soins achevés pour surveiller son évolution.
Quelles sont les qualités nécessaires pour être orthophoniste ?
Le relationnel est une qualité essentielle, car il faut savoir s’adapter aux enfants et aux adultes pour établir une relation de confiance.
La bienveillance et l’empathie sont indispensables pour pouvoir se mettre à la place du patient et déceler d’où vient la difficulté.
Il faut également faire preuve de patience, car une séance dure 30 minutes pour les enfants et 45 minutes pour les adultes. Les progrès se voient donc sur le long terme. L’orthophoniste doit donc aussi faire en sorte de continuer à garder l’intérêt du patient dans sa propre rééducation.
Il doit savoir faire preuve de créativité pour s’adapter à une nouvelle difficulté ou à un comportement imprévu. Il doit trouver des astuces et du matériel qui évitera au patient de perdre sa motivation, mais aussi pour s’adapter le plus précisément possible aux difficultés rencontrées.
Enfin, l’orthophoniste doit être curieux pour se tenir informé et renouveler ses approches et ses connaissances techniques du métier, notamment par le biais de formations complémentaires et régulières.
Quels troubles gère un orthophoniste ?
L’orthophoniste intervient aussi bien auprès des enfants que des adultes.
Troubles chez l’enfant
Un bilan de prévention est nécessaire par exemple si l’enfant a 2 ans et n’a pas 50 mots de vocabulaire. Les bilans de prévention concernent les patients pour qui un bilan ne semble pas forcément nécessaire, mais qu’une guidance paraît appropriée dans un premier temps. Les bilans de prévention servent à déterminer si un bilan orthophonique, avec la passation d’épreuves normées, étalonnées et standardisées, reste nécessaire.
Souvent les enseignants, les pédiatres et bien sûr l’instinct de parents orientent vers l’orthophoniste lorsqu’ils constatent :
- des troubles du langage oral : mauvaise articulation, bégaiement, dysphasie (manque de vocabulaire, difficultés morphosyntaxiques, de compréhension orale…);
- des troubles du langage écrit : dyslexie et dysorthographie;
- des troubles du raisonnement mathématique (numération, structure logique, en arithmétique, en résolution de problèmes…);
- des troubles de la déglutition;
- des troubles de l’oralité;
- des troubles de la communication liés à un trouble de l’audition;
- un handicap (trisomie, infirmité motrice cérébrale).
Troubles chez l’adulte
- des troubles de la déglutition suite à un AVC ou dans le cadre de maladies dégénératives, de tumeurs…;
- des troubles ORL (laryngectomie, thérapies oro-myo-fonctionnelles…);
- des troubles cognitifs suite à un accident ou une maladie dégénérative (Alzheimer, Parkinson, Charcot, AVC…) ;
- des troubles de la voix (dysphonie neurologique due à Parkinson, forçage vocal) ;
- des troubles neurologiques : traumatisme crânien, aphasie, tumeur cérébrale ;
- troubles alimentaires ;
- des troubles de la communication liés à un trouble de l’audition ;
- un handicap.
Orthophoniste : les professions complémentaires
- Un graphothérapeute de motricité fine, de graphisme en général et d’écriture en particulier;
- Un orthodontiste dès la pose d’un appareil dentaire, car il est en charge de vérifier le placement de la langue ou si le patient présente une déglutition atypique;
- Un psychomotricien pour le retard de développement psychomoteur, les troubles des représentations corporelles, les troubles de l’organisation spatio temporelle, les difficultés graphiques;
- Un orthoptiste pour un bilan neurovisuel : stratégie de lecture, balayage;
- Un neuropsychologue ou psychologue pour la passation de bilans psychométriques pour évaluer le fonctionnement cognitif du patient;
- Un ORL pour écarter toute origine de surdité pouvant être à l’origine de troubles du langage oral.
Quelle est la prise en charge de l’orthophonie pour les enfants et les adultes ?
Les orthophonistes pratiquent des tarifs fixés par l’Assurance maladie et ne sont pas autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires, lorsqu’ils sont conventionnés.
Le prix d’une consultation orthophoniste pour un bilan simple est compris entre 40 € et 75 € et le prix des séances de rééducation est moins élevé (entre 20€ et 35€), mais dépend du trouble à traiter.
Les séances d’orthophonie sont prises en charge à hauteur de 60% par la Sécurité sociale si le patient vient sur prescription médicale et à 100% par la Complémentaire Santé Solidaire (anciennement CMU et ACS). Le complément est pris en charge par la mutuelle des patients pour un remboursement intégral du suivi.
Une plateforme à l’écoute des patients
Créée en octobre 2018, l’association PPSO (Plateforme de Prévention et Soins en Orthophonie) est une association à but non lucratif. Elle a pour objet d’être une des premières réponses aux interrogations des personnes sur la nécessité ou non de consulter un orthophoniste et de permettre aux orthophonistes de faciliter l’organisation et de fluidifier la gestion des demandes.
On peut trouver un bon nombre de renseignements sur le site : https://www.allo-ortho.com/ sur lequel les personnes trouvent des conseils de prévention et des réponses adaptées à leurs questionnements. Si ce n’est pas le cas, elles peuvent remplir un questionnaire et être rappelées par un orthophoniste régulateur, chargé de répondre et d’orienter les demandes.
Dans la région Indre et Loire, la plateforme s’est lancée en Février 2024 avec 16 régulateurs.
L’orthophonie est un domaine tout à fait passionnant, car chaque consultation est unique. L’orthophoniste n’a donc pas un métier répétitif. C’est un métier très gratifiant lorsque les progrès sont constatés chez les patients. Parfois, le métier consiste en l’accompagnement notamment lors de pathologies neurodégénératives où l’objectif n’est pas la récupération mais le maintien des compétences préservées, jusqu’à ce que la prise en soins n’apporte plus aucun bénéfice au patient, l’accompagnement pouvant alors aller jusqu’au décès du patient.


